Notre Philosophie

Les Nouveaux Droits de l'Homme (1977-...) : 

Une longue marche... et une démarche à l'ombre

Cela commença, en 1977, à trois : Pierre Bercis, Jean-Claude Guillon, Madeleine Parot, poussés par Charles Hernu qui incita à constituer une association «pour la reconnaissance de nouveaux droits de l'Homme» et écrivit quelques noms, quelques idées sur la nappe en papier d'un restaurant de Chartres. Puis Charles veilla sur son bébé baptisé « Droits socialistes de l'Homme ». Car il s'agissait de définir un socialisme démocratique, une troisième voie entre le libéralisme économique et le socialisme de caserne, notamment en intégrant le droit à la participation prôné par le Général de Gaulle depuis longtemps.

Nos 320 semaines de manifestations, chaque jeudi, devant l'ambassade d'Argentine (1978-1984) nous empêchèrent d'aller de l'avant tout de suite, hormis quelques rencontres avec Pierre-Mendès France, Louis Althusser, Edgar Faure, Laurent Fabius. Puis l'historien Jean Elleinstein nous convainquit de modifier le nom de notre association afin d'y intégrer les droits de l'Homme par rapport à la Science, qui devint alors Nouveaux Droits de l'Homme.

Nos rencontres avec François Mitterrand avant mai 1981 et après ne donnèrent que peu de résultat. Il disait à la fois son accord mais ajoutait toujours « il faut réfléchir.. ». Sans doute parce que cet expert en politique pensait, en son for intérieur « Il faudrait bien. Mais NDH, combien de divisions ? » pour réaliser un tel projet. D'où son discours de 1992 empreint d'amitié, d'encouragement autant que d'appel au réalisme. La rencontre avec Jacques Chaban-Delmas fut plus décisive. Car NDH rejoignait son célèbre projet de « nouvelle société » en la traduisant en termes de droits nouveaux, dans le prolongement de la Déclaration de 1789, tel que l'avaient voulu nos ancêtres à travers le vote de la motion Mougins de Roquefort. Jamais son soutien ne nous fit défaut jusqu'à sa mort. Peu rancunier, « Chaban » voulut aussi que nous nous entretenions avec Jacques Chirac, alors maire de Paris, ajoutant avec sa voix inimitable : « Vous savez, c'est un garçon d'avenir ». Aucun homme politique ne fut plus loyal ni plus honnête que Jacques Chaban-Delmas.

Le tête à tête avec Jacques Chirac fut difficile mais positif. Celui-ci, en présence de Christine Albanel, en 1992, conclut notre entretien par un « Je suis d'accord », mais devant notre scepticisme, ajouta « Je vais vous l'écrire », ce qu'il fit le jour même, en insistant sur la nécessaire reconnaissance du « droit à un environnement sain ». Un droit qu'il fit reconnaître en préambule de la Constitution lorsqu'il fut Président. Notre rencontre avec Valéry Giscard d'Estaing ne vint que plus tard, lorsqu'il fut à nouveau député du Puy de Dôme. Il acquiesça à l'idée de conquérir de nouveaux droits de l'Homme sans s'en faire le porte-drapeau toutefois. Mais avoir le soutien d'un homme de cette envergure, dans la quête du consensus indispensable, conforte au cours de ce qui ressemble à un pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle. Le pèlerin retrouve l'envie de poursuivre, même dans un dénouement matériel extrême. Après l'appel de 1992, signé par des dizaines de personnalités de tous les milieux, publié en pleine page dans Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Point et nombre de quotidiens de province (Sud Ouest, Le Provençal, le Bien public...) vint la phase d'atterrissage. Une commission interne à NDH, composée des meilleurs juristes de droit constitutionnel (Guy Braibant, Louis Pettiti, Maurice Duverger, Paul Bouchet, Maurice Buttin, Edmond Jouve) se réunit, Cité Vaneau, pour rédiger notre proposition de loi constitutionnelle. Elle aboutit, après de longues discussions, souvent le soir, à un texte, prêt à être adressé au Parlement sans prendre le risque d'être taxés d'incompétence.

Il était l'œuvre de vrais professionnels portés par le même idéal. Le soutien des personnalités les plus éminentes, plus une proposition de loi, ciselée par des hommes de l'art juridique, fit son effet, bien plus encore qu'auparavant lorsque, dès mai 1990, des députés comme Nicolas Sarkozy ou François Fillon décidaient leur soutien à NDH pour son projet de base. 

Le bien fait peu de bruit...

Lionel Jospin, devenu Premier ministre, maintint son appui, qu'il avait formulé dès la campagne présidentielle de 1995. Mais à condition de tronçonner notre texte fondamental en lois ordinaires, ce que nous n'avons pas accepté. En effet, un projet de société, sous forme de lois ordinaires, qui ne donne pas une orientation globale, cela ne pouvait pas exister pour nous. Néanmoins, 80% des députés du groupe socialiste, 75% du groupe communiste, 72% du groupe UDF, 60% de Démocratie Libérale à l'Assemblée nationale signèrent en 2001 et six groupes (trois dans chaque assemblée) le déposèrent, dont le groupe socialiste au Sénat présidé par Claude Estier, vieux compagnon de route.

Ne manquait plus alors que le feu vert de l'Exécutif. Une fois encore, il fallut attendre, comme toujours. Le barreur, dans la tempête comme dans le petit temps doit être patient, vigilant sur l'océan de passivité. Il n'y avait plus rien à prouver. Il n'y avait qu'à passer à l'acte.

Simone Veil était alors dubitative. La presse indifférente. Puis vinrent les élections présidentielles de 2007, l'élection de Nicolas Sarkozy et la nomination de François Fillon à Matignon. Pour nous cela sentait la fin. A quoi bon s'acharner ?

C'était sans compter avec les lettres d'engagement des deux responsables de l'Exécutif, près de vingt ans auparavant. Le 8 janvier 2008, Nicolas Sarkozy déclarait vouloir reconnaître de nouveaux droits de l'Homme, de manière consensuelle. Qu'espérer de plus ? Que le Parlement ne verse pas dans la démagogie et reste  fidèle au message des élus de 1789 en écoutant ce que François Mitterrand appelait « l'obscur sixième bureau », se souvenant sans doute des mots de François de Sales selon lequel « Le bien fait peu de bruit ; le bruit fait peu de bien, ou de Franklin Roosevelt pour qui « Les droits de l'Homme doivent passer avant les droits de l'Argent ». 


Le comité de rédaction, interne à NDH, de notre proposition de Loi Constitutionnelle

Il était composé de Guy Braibant, Maurice Duverger, Paul Bouchet, Louis-Edmond Pettiti, Edmond Jouve, Maurice Buttin, Pierre Bercis.

Faut-il présenter ces hommes compétents, qui n'ont jamais eu le souci de leur publicité personnelle et auxquels nous devons tant ? 

Guy Braibant, le maitre bon et discret, conseiller d'Etat, auteur avec Long et Weil des grands arrêts de la jurisprudence administrative avec lequel des milliers d'étudiants de Droit et de Sciences Po. ont vécu. Longtemps membre du Parti Communiste, il a été chargé par le Président Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin de représenter la France pour la préparation de la Charte européenne des droits fondamentaux. Après avoir aidé NDH, il nous a encore écoutés à cette occasion.


Maurice Duverger, le grand Maurice. Constitutionnaliste éminent, professeur au langage clair, c'est lui qui, en quelques lignes que nous conservons précieusement, a émis l'idée d'un titre II afin de contrer les conservateurs de gauche qui ne voulaient pas entendre parler de nouveaux droits de l'Homme puisque, selon eux, « tout avait été dit en 1789 ».


Paul Bouchet, juriste à la culture aussi vaste que son amour des autres. Avocat, bâtonnier, conseiller d'Etat, président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. Comme les grands hommes de 1789, il n'hésita pas à consacrer son temps, à travailler dans l'ombre, au service de nos convictions militantes. 


Louis-Edmond Pettiti, bâtonnier, président des juristes catholiques. Il incarna pour nous la compétence et la bienveillance. Toujours à l'écoute. Imaginatif, il nous aida à sortir de l'ornière quand une rédaction bloquait. Un saint dans un monde de brutes.

Edmond Jouve, le professeur Jouve sollicité dans le monde entier où il rédigea nombre de constitutions pour les pays émergents. Comme membre de NDH, il sut dégager le temps entre son cher Quercy et le Burkina Faso pour contribuer à la naissance de notre texte législatif.


Pierre Bercis, Président Fondateur de Nouveaux Droits de l'Homme.

Sans eux, dont Véronique Bévin notait scrupuleusement les réflexions, il eut été difficile d'atteindre la crédibilité qu'impose un tel projet.