L'Ordre des Droits de l'Homme

Il n'existe pas de distinction à travers le monde pour récompenser les serviteurs de la cause des droits de l'Homme alors que celle-ci, comme idéal laïque, résume les objectifs pacifiques et démocratiques de la France et des Nations unies depuis 1948.

Le Prix Nobel de la Paix, prestigieux, n'est accordé qu'à des personnalités en nombre limité et qui ont parfois contribué à la mort de milliers de personnes ou combattu la démocratie. Il ne répond donc pas au but recherché par une distinction en rapport avec les droits de l'Homme. En cela, il laisse le champ libre à une initiative française.

Nos ordres nationaux : Légion d'honneur et Mérite sont rarement attribués aux militants des droits de l'Homme, au sens strict de l'expression. En outre, si, par une orientation politique nouvelle de l'attribution de ces ordres, il advenait qu'ils fussent octroyés à des femmes et des hommes ayant consacré leur temps ou rempli une mission courageuse pour les droits de l'Homme, les bénéficiaires n'en côtoieraient pas moins pour autant, au sein de ces ordres anciens et res- pectables, une très grande majorité de militaires, de fonctionnaires civils mais aussi très peu de femmes.

D'où la nécessité, pour éviter une confusion des genres, de créer un ordre des droits de l'Homme, autonome par rapport aux ordres existants, en même temps que ce serait pour la France un moyen de promouvoir la cause des droits de l'Homme, dans notre pays et dans le monde.

Une telle décision, qui ne relève pas du pouvoir législatif (article 34 de la constitution) appartient au Chef de l'Etat, comme ce fut par le passé par la création des autres ordres (Légion d'honneur et Mérite). Mais elle pourrait, cependant, symboliquement, être ratifiée par le Parlement afin de montrer le consensus autour de cet acte non partisan, dans l'immédiat et pour le futur. Car les droits de l'Homme rassemblent tous les Français, à l'exception d'une minorité.

L'avantage serait que cela permettrait à la France de conserver son apanage historique avant qu'un autre pays ne s'en empare, surtout sans avoir les mêmes liens intellectuels avec ce concept. En second lieu, cette distinction renforcerait le prestige de la France en ce domaine et cette médaille serait d'autant plus appréciée qu'elle viendrait du pays de Voltaire, Rousseau, Albert Schweitzer... Il y aurait alors un double effet bénéfique, réciproque : de la France traditionnelle en faveur de cette distinction et de cette distinction en faveur de la France. En troisième lieu, le coût de cette attribution d'une médaille serait réduit, par rapport à un enjeu considérable et par rapport au Prix Nobel de la Paix qui est aussi une affaire d'argent, notion très éloignée des droits de l'Homme. Ainsi, politiquement, dans le monde, la France garderait la barre sur la traduction concrète des droits de l'Homme au travers de la répartition des médailles.

Pour que cet ordre ait un réel prestige, il devrait tout d'abord avoir un statut comparable aux Ordres de la Légion d'Honneur et du Mérite. Il faudrait qu'à l'instar de ces derniers, le Grand Maître en soit le Président de la République et que le Chancelier ait son siège au Palais de la Légion d'honneur. La même hiérarchie des grades et des dignités devrait être retenue.

En revanche, par définition philosophique, à la différence des autres ordres, il ne devrait pas y avoir de séparation entre les personnes ou institutions distinguées, qu'elles soient françaises ou étrangères.

Pour donner une inflexion moins militaire à notre fête nationale (sauf au sens «pacifique» ou «résistant» de nos forces armées, comme de celles qui interviennent sous Casque bleu) c'est le 14 juillet que le Président de la République pourrait remettre solennellement 100 médailles, par an dont la liste d'attribution aurait été publiée le 10 décembre précédent, date anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme.

Une clef de répartition géographique devrait être établie à travers le monde, selon des critères à dé nir.

Il est certain que l'attribution d'un tel titre à une personne me- nacée ou emprisonnée serait à la fois un encouragement pour elle et un désaveu pour ses bourreaux. Nos ambassadeurs auraient pour tâche d'informer les plus hautes autorités des pays concernés puis, en cas de reconnaissance officielle, de remettre la médaille au nom du Président de la République française à celle ou celui, qui se la serait vu attribuée, le 14 juillet, s'il lui est interdit de quitter son pays.

De la sorte, la France rayonnerait davantage sur le plan des droits de l'Homme, pourrait avoir une ac- tion plus concrète d'orientation en ce domaine et rehausserait encore la popularité de la date du 14 juillet qui serait plus liée à la notion de liberté.